DUO 1 (2020) : Bilan Pays-bas

Chapitre 1 : Les Pays-Bas

Où en sommes-nous ?

Le 9 Novembre 2020 débute l’Odyssée. Nous prenons un Thalys direction Amsterdam, une ville où nous séjournons 18 jours. La première semaine, nous finissons de consolider notre projet et nous accélérons nos demandes de visites pour les Pays-Bas, le Danemark et la Suède. Les jours qui suivent furent riches en rencontres et en découvertes !

Nous avons visité les locaux d’Ynvolve, une pépite en termes d’interculturalité et de management, le complexe The Ocean, un “impact hub”, qui accueille entre autres Dopper et Great Place to Work. À distance ou en menant des interviews dans des parcs, nous avons étudié Danone, Heineken, FMO, Energized et Walking the Talk. 

Ici le confinement est plus souple, les bars et restaurants restent ouverts, mais à emporter uniquement. Le port du masque en extérieur n’est pas obligatoire et les commerces restent ouverts. Nous profitons également de notre présence pour nous rendre à La Haye, capitale politique du pays, pour rencontrer Sophie Gründfelder, chercheuse en GRH avec qui nous approfondissons les différences culturelles et l’origine du management aux Pays-Bas.

Notre périple se termine par une table ronde en distancielle avec des alumnis de notre école, l’emlyon. C’était un moment important pour nous qui nous a permis de revenir sur nos découvertes et de voir ce qui pouvait être applicable en France. 

Quelles différences observons nous entre les cultures ? 

Nous sommes conscients des différents critères segmentants qui influent sur le management comme la taille, le secteur, la culture nationale ou encore la culture d’entreprise. Sans rentrer dans des stéréotypes culturels, nous avons observé plusieurs grandes tendances et différences avec la France, ici, aux Pays-Bas. 

Ce pays s’est construit sur la transparence et sur la culture du consensus qui se retrouve dans le management et dans la politique (cf. notre vidéo avec le passage de Sophie de 1’43 à 2’20). Nous illustrons ces principes fondateurs dans la prise de décision, la communication et le pragmatisme hollandais.

Prise de décision 

À la suite de nos rencontres, nous comprenons que peu de décisions sont prises de façon unilatérale. L’avis de tous les collaborateurs concernés entre en compte. A titre d’exemple, voici le processus de prise de décision utilisé par l’antenne hollandaise de Great Place to Work. Dans cette entité de 13 collaborateurs, la prise de parole est libre et tous, avec rôle hiérarchique ou non, peuvent être force de proposition.

Notre avis : Il est difficile de savoir quel est le nombre limite de collaborateurs pour appliquer cette pratique. En revanche, on peut imaginer son fonctionnement au niveau d’une équipe ou d’un comité transverse. 

Une critique ? Wencke, responsable de la partie commerciale de Great Place to Work,  trouve que ce processus favorise une prise de décision réfléchie et challengée et entraîne une plus large adhésion des collaborateurs à la décision. Elle, qui a longtemps travaillé en Belgique, trouve que ce processus peut être long et moins efficace. Elle appelle parfois René (CEO) à trancher pour pouvoir “passer à autre chose”.

Communication 

Nous observons une communication plus directe et plus transparente qu’en France. L’information gagne à être partagée au plus grand nombre tandis que dans de nombreuses organisations, en France, celle-ci reste encore synonyme de pouvoir et réservée à des postes hiérarchiques. 

Gérald a cofondé avec un néerlandais Ynvolve. Il s’inspire de la culture nationale pour appliquer une transparence totale dans l’entreprise qu’il dirige. Aux questions d’engagement, de diversité culturelle ou de transformations liées à la Covid, il répond toujours par le même mot : communication. Voici les règles mis en place pour éviter “les spéculations en interne” et fluidifier les relations : 

  • Dès qu’il a écho d’une tension, il encourage immédiatement les personnes concernées à se parler. 
  • Pratique de l’écoute active pour comprendre les besoins de ses collaborateurs. (expliquée dans la partie rôle du manager)
  • Feedback ouvert continu à la fin de chaque mission.
  • Un SCRUM* quotidien avec ses 11 managers et un SCRUM quotidien des managers avec leurs équipes de 10 à 15 minutes pour traiter les priorités du jour 

*A l’origine, la méthode SCRUM est utilisée pour le développement de logiciels. Celle-ci s’appuie sur des “mêlés” quotidienne de 15 minutes qui sont des courtes réunions pour suivre les avancements.

Pragmatisme

Ici, le travail suit davantage une obligation de résultats. Il est coutume de quitter son travail avant 17h, partir tard, c’est envoyer le signal de ne pas être efficace. Face au présentéisme à la française, davantage marqué par une obligation de moyens, nous comprenons que la confiance joue un rôle clé. Les collaborateurs, plus responsabilisés, organisent leur journée de travail pour qu’elle soit conciliable avec leur vie privée. 

Dans ce cadre, la crise du Covid n’a pas “métamorphosé” les mœurs néérlandais comme nous avons pu l’observer en France car beaucoup avaient déjà la possibilité de télétravailler. 

Notre avis : nous pourrions nous inspirer de nos voisins néérlandais pour ne pas instaurer une contre-révolution post-covid de retours systématiques sur site. Un “futur of work” 100% en télétravail n’est pas une solution, mais une forme hybride l’est. Laissons le plaisir du contact humain aux réunions d’équipe où il faut discuter, brainstormer, débattre et le télétravail pour les réunions d’informations et/ou celles structurées avec ordre du jour. 

Comment engager ses collaborateurs ?

Parmi les différents moyens d’engager ses collaborateurs nous avons relevé l’engagement par le sens, point commun des douze organisations qui peuplent l’écosystème de Mama Gaïa au impact hub The Ocean, à Haarlem. Ce bâtiment de 1 500 mètres carrés, ouvert le 1er Septembre 2020 a été pour nous un exemple de lieu de travail de demain ! Le critère pour être membre ? Vouloir avoir un impact positif sur la société. 

Sur des plus grosses organisations, cela peut passer par la formalisation d’une mission ou d’une raison d’être. Voici, par exemple, la mission choisie par Danone : “apporter la santé par l’alimentation au plus grand nombre”. Tous les départements ont ensuite décliné la mission suivant le maillon concerné dans la chaîne de valeur.  

Enfin, une forte culture d’entreprise liée par exemple à un esprit de famille ou à une structure comme l’holacratie favorise l’engagement des collaborateurs et le retour aux pratiques simples.

Retour au bon sens 

Durant notre périple, nous avons choisi de partir à la recherche de pratiques réplicables et plus humaines dans un monde devenant de plus en plus technologique.

En France, dans notre article : Des énergies peu communes, nous avions évoqué que le retour au bon sens est parfois plus efficace que des pratiques sophistiquées. Arnaud Tonnelé, dans Comment réussir à se planter plus vite et plus efficacement remarque que  beaucoup d’entreprises préfèrent se tourner vers un management complexe et innovant plutôt que de favoriser des pratiques simples et efficaces. 

La pratique que nous voulons le plus vous partager, nous l’avons “redécouverte” avec Sébastien, manager chez Danone. Lors du confinement, ceux qui ont télétravaillé sont souvent rentrés dans un tunnel de productivité où les réunions s’enchaînent. Un jour, lors d’une de celles-ci, la VP de Sébastien le trouve fatigué. Elle décide donc de prendre une heure pour l’appeler de façon informelle et discuter avec lui. «Pas besoin de se creuser la tête, quand quelque chose ne va pas avec nos proches, on s’appelle, là c’est pareil, l’engagement, c’est le retour aux gestes simples». Touché par ce geste, Sébastien décide d’appeler à son tour l’ensemble de son équipe. Cet exemple illustre la réplicabilité des comportements dans le management (“descente en cascade”). 

Notre avis : remettre de l’humain dans cette période où tout est dématérialisé, ça fait du bien !

Rôle du manager 

Nous avons interviewé Jérôme Parisse-Brassens, directeur de Walking the Talk, un cabinet de conseil basé aux Pays-Bas, expert sur la culture d’entreprise. 

Pris en étau entre les attentes de la direction et celles des collaborateurs, l’engagement des collaborateurs repose souvent sur les épaules du manager, qui, la plupart du temps, n’est pas ou que peu formé à cette responsabilité. En témoigne la phrase suivante que beaucoup auront déjà lue : on rejoint une entreprise, on quitte son manager. 

Nous trouvons à travers le discours de Jérôme quatre clefs pour répondre aux attentes managériales des collaborateurs : 

  • L’écoute active qui permet d’établir une relation de confiance, de libérer la prise d’initiatives, la coopération dans l’équipe, de booster la productivité et de résoudre les conflits sous-jacents avec la méthode suivante :
  • Observation bienveillante de la situation de l’émetteur par l’écoutant en reformulant les observations faites pour obtenir plus de précisions. 
  • Identification des émotions par l’émetteur. L’écoutant peut alors aider ce processus avec des questions comme “qu’est-ce que tu ressens ?”
  • Identification des besoins non satisfaits par l’écoutant, exemple : “tu te sens … parce que tu as besoin de … ?”
  • Formulation d’une demande positive à soi-même ou à une autre personne par l’émetteur pour améliorer ce besoin.
  • Le courage du “speak up”. Cette pratique peut se traduire par la notion de “parole libérée” dont le but est d’évoquer les tensions avant qu’elles ne deviennent des problèmes et d’émettre des suggestions dans l’objectif d’améliorer le travail d’un groupe.
  • La transparence, qui est accélérée avec l’émergence de l’intelligence artificielle et du digital. Les cloisons entre les silos sont amenées à tomber dans le temps. Pour une meilleure transparence, l’idée n’est pas de tout dire, mais d’expliquer déjà pourquoi certaines choses ne peuvent pas être dites. « Ça veut simplement dire ne pas prendre les gens pour des idiots, être ouverts.» 
  • La reconnaissance, dont l’idée est de reconnaître toutes les actions positives des collaborateurs et de le signaler. Une pratique est par exemple de faire un tour de table à la fin d’une réunion pour émettre une réflexion positive. La reconnaissance des actions positives va de paire avec la reconnaissance des erreurs, les deux doivent être équilibrées. 

Et sans manager

L’Odyssée c’est le partage de pratiques managériales simples et facilement réplicables, et c’est aussi la curiosité de nouveaux modèles d’organisations ! Parlons de l’holacratie. 

La constitution qui structure ce modèle d’organisation dit en “self management” est disponible ici. Ce modèle avait piqué notre curiosité avant de commencer notre périple. Nous avons voulu savoir si cela pouvait apporter une réponse aux transformations actuelles. 

Pour cela, nous avons interviewé plusieurs fois Diederick Janse, fondateur de Energized, une coopérative de coachs agiles. Ensemble, ils ont accompagné plus de 100 organisations dans l’holacratie aux Pays-Bas comme Springest ou Visii.

Les critiques de ce modèle sont très bien exposées dans cet article de la célèbre HBR France. Pour y répondre, nous avons voulu comprendre quels étaient les prérequis pour que fonctionne l’holacratie. Diederick nous explique alors que :

  1. L’organisation doit être en “bonne santé” avant de se lancer. 
  2. La réponse au “pourquoi passer en holacratie” doit être alignée avec la raison d’être. 
  3. La parole doit être libre, le feedback négatif est encouragé.  

Traditionnellement, la méthode dite du “big bang” est utilisée pour les passages en holacratie. Néanmoins, Energized s’appuie de plus en plus sur une méthode en “step by step” pour restructurer les organisations. 

  1. Identifier les personnes ou groupes de personnes qui détiennent le pouvoir. 
  2. Ces détenteurs de pouvoir doivent tous être d’accord sur ce qu’est l’holacratie. 
  3. Formulation commune du “pourquoi passer en holacratie”. 
  4. Mise en place de l’agenda des réunions tactiques, centrées sur l’action (qui fait quoi)
  5. Réadaptation continue du “qui fait quoi” à la suite d’observations. 
  6. Mise en place de réunions de gouvernance (mensuelles). 

Certains commencent par cette dernière étape, Diederick lui préfère commencer par les réunions tactiques (d’opérations) car cela permet de directement tester les différents rôles. Pourquoi passer en holacratie ?

  1. Ce modèle est plus structuré qu’une organisation hiérarchique traditionnelle en silos. 
  2. Les règles sont simples et tout le monde les respecte. 
  3. Chaque collaborateur peut exprimer ces idées et être acteur de son cercle. 
  4. L’holacratie crée à long terme une culture d’entreprise, facteur d’engagement. 
  5. “Êtes vous d’accord avec la proposition ?” cette question est remplacée par :

“Quelles sont les raisons pour lesquelles il ne faudrait pas essayer ?”

Et vous, qu’en pensez-vous ? Faut-il davantage former les managers ou réfléchir à des modèles de self-management pour le monde de demain ? 

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