Duo 1 (2020) : Bilan Scandinavie

.Chapitre 2 : La Scandinavie (Copenhague et Stockholm)

Où en sommes-nous ?

Après une première partie aux Pays-Bas, nous avons pris quatre trains différents pour nous rendre à Copenhague où nous avons passé une dizaine de jours. Nous sommes ensuite allés à Stockholm pour deux semaines. Notre séjour suédois nous a permis de revenir sur cette première partie de l’Odyssée et d’approfondir nos enseignements scandinaves ! 

Durant ce mois scandinave, nous avons réalisé 37 interviews en étudiant en profondeur 7 organisations. De la startup Platypus à la multinationale Novo Nordisk, du secteur public danois avec JAC au BTP avec le chantier de la ligne 4 du métro de Copenhague, nous nous sommes intéressés à différentes structures pour mieux comprendre les critères segmentants de la culture scandinave et découvrir des bonnes pratiques de management. 

Nous avons eu la chance de quitter le Danemark deux jours avant l’annonce du nouveau confinement et nous avons découvert en Suède un modèle totalement différent de gestion de la crise sanitaire. 

Notre aventure scandinave s’est clôturée par un passage en Laponie, où nous avons passé Noël, nous n’avons malheureusement pas vu d’aurores boréales, mais nous reviendrons car le parc naturel d’Abisko nous a laissé sans voix (à voir la fin de notre vidéo). 

Quelles différences observons-nous entre les cultures ?

Équilibre vie pro / vie perso

La première chose qui saute aux yeux en Scandinavie, c’est la place accordée à la vie personnelle et la séparation de celle-ci avec la sphère professionnelle. Le travail n’est pas perçu comme une fin en soi ou un facteur d’identité sociale mais comme un outil pour s’épanouir dans sa vie privée. 

Nous avons eu beaucoup de témoignages avec des journées qui commencent à 8/9h et se finissent à 15h pour aller chercher les enfants. Certains se connectent à 21h une fois les enfants couchés pour boucler quelques mails. 

Lors de nos différentes visites au Danemark et en Suède nous avons observé une grande efficacité dans le travail. Il y a très peu de “discussions de couloirs”, les pauses déjeuner sont davantage des pauses sandwich d’une vingtaine de minutes et lorsqu’on a besoin d’une information quelconque, on se lève et on va toquer à la porte de la personne concernée.

Cette efficacité dans le travail favorise une grande productivité et permet d’attribuer davantage de temps à la sphère privée, d’autant que celle-ci est fortement encouragée par le management. Une Project Manager chez Novo Nordisk (leader dans le secteur de la santé au Danemark) nous a dit : “J’avais au bureau mon père et ma mère de substitution, je pouvais partir à tout moment pour régler un pépin personnel et dès que j’avais un coup de mou, ils me conseillaient de prendre du temps pour moi… ”

En Suède, les parents bénéficient d’un congé parental de 68 semaines, à répartir entre les deux parents, avec un minimum de 8 semaines réservées au père. 

Bonheur au travail

“Si tu n’es pas épanoui dans ta vie privée, tu ne le seras pas au travail” nous ont livré plusieurs dirigeants en Scandinavie. Être heureux dans sa vie privée est un prérequis du bonheur au travail (que les danois appellent Arbejdslaede) dans lequel les organisations ont leur rôle à jouer. 

Nous identifions plusieurs leviers pour favoriser le bonheur au travail en Scandinavie. Tout d’abord, les organisations “chouchoutent” au maximum leurs collaborateurs. L’équipe “People Experience” de Spotify est totalement dédiée au bonheur de ses collaborateurs. Par exemple, n’importe quel employé qui réalise un footing obtient une monnaie virtuelle pour ensuite acheter des vêtements et accessoires dans la boutique Spotify. 

En Suède, on peut toucher le chômage si on démissionne, ce qui donne beaucoup de pouvoir aux collaborateurs. L’entreprise doit constamment s’adapter pour plaire aux salariés (en général). 

Dans l’autre sens, nous observons au Danemark que la flexisécurité facilite les licenciements tout en assurant des indemnités longues et importantes, JAC, une organisation du secteur public, n’hésite pas à remercier ceux qui n’ont pas une attitude positive. “Ceux qui passent leur temps à critiquer, à couper la parole, à être irrespectueux, n’ont rien à faire ici” , au moins c’est clair. Une culture positive et favorisant le bonheur, ça se cultive. 

Nos observations

Nos visites en Scandinavie nous ont amenés à nous questionner sur deux points. Dès leur plus jeune âge, les danois apprennent à travailler en groupe et en confiance dans un environnement décontracté : droit à l’erreur, moins de tests, moins d’élèves par classe, égalité des chances, plus d’attention apportée au développement et au bien-être des enfants de la part des enseignants et des parents… On voyait beaucoup d’enfants dans les rues avec des casques pour ne pas qu’ils se blessent en jouant. 

Avec toutes les transformations liées à la Covid, le passage à un monde hybride avec moins de bureaux attitrés sera peut-être plus compliqué pour ceux qui aiment le confort de leur bureau. 

De plus, nous nous demandons si les employés de pays scandinaves sont réellement engagés par leur mission ou s’ils sont attachés à leur travail comme l’outil qui leur permet un épanouissement dans leur vie privée.

Comment engager ses collaborateurs ?

La Suède a aboli le vouvoiement dans les années 60. L’engagement passe ici par un “nivellement par le milieu”. En effet, les dirigeants et managers sont moins amenés à être mis sur un piédestal et, de l’autre côté, les collaborateurs peuvent s’émanciper. Nous avons très facilement pu interviewer des dirigeants, ils se sont montrés accessibles et réceptifs à notre projet ! Alors même que la période avant Noël ne se prêtait pas forcément à accorder du temps pour un projet étudiant français… 

L’humilité des managers et dirigeants 

La loi de Jante est un code de conduite inventé au Danemark qui permet de vivre avec plus d’humilité et de respect pour l’autre. Voici par exemple des phrases types :

  • Tu ne dois pas croire que tu peux nous apprendre quelque chose !
  • Tu ne dois pas croire que tu es plus intelligent que nous !
  • Tu ne dois pas croire que tu es quelqu’un de spécial !

Théophane, CEO d’EcoTree, une startup franco-danoise (dont nous sommes fans du produit) nous a confié “être le bras droit de tous ses collaborateurs”. Pour lui, on réalise un hold up une seule fois et non deux fois. Une fois la structure créée, il faut s’effacer et s’entourer de collaborateurs plus compétents. Une leçon d’humilité que nous avons également retrouvée dans le témoignage de Nico, fondateur de Platypus. 

Droit à l’erreur et responsabilisation – cas Spotify 

Cette humilité et le retrait des managers expliquent la forte autonomie laissée aux équipes en Scandinavie. Nos meilleurs exemples sont les Tech Spotify et Klarna, en Suède. Organisés par squads de 5 à 10 collaborateurs, chaque poste est une spécialité où le collaborateur est expert dans son domaine. 

“Lors de mon premier jour chez Spotify, le CEO est monté sur scène et a expliqué pendant une heure toutes les erreurs de sa carrière et comment il en était sorti grandi. Ensuite seulement, il nous a parlé de Spotify…” nous a livré un manager de cette organisation. 

Nous avons aimé Spotify car des objectifs sont définis puis l’autonomie s’aligne. Dès qu’il y a un problème (et il en faut !), la liberté est laissée aux collaborateurs pour le résoudre, “cela permet de libérer les énergies et la fécondité de chaque cerveau”. Lors d’incidents, la “blameless culture” de Spotify fait qu’une personne ne sera jamais pointée du doigt, au contraire, elle sera valorisée et son rapport sur son erreur sera promu en interne. 

“Dans une erreur, il y a toujours un problème de système, dans une logique de “leader/follower” chaque erreur sera cachée par peur d’être réprimée. Pour éviter qu’une erreur ne se reproduise il faut que le système change. Dans une logique de leader/leader, où chaque personne est spécialiste dans son domaine, montrer ses erreurs, c’est la recette du Compound effect : notre vitesse de demain = notre vitesse d’hier + nos apprentissages entre hier et aujourd’hui. 

Une bonne pratique ? Les réunions en cascade du lundi matin chez Swapfiets 

Swapfiets est une startup hollandaise fondée en 2015 par trois étudiants. Nous l’avons visitée dans son implantation au Danemark. Pour un prix fixe par mois, on peut louer son propre vélo avec une maintenance garantie. 

Tous les lundis matins, voici comment se structurent les réunions :

  1. Réunion globale pour informer toutes les équipes des nouveautés et s’assurer que tous sont alignés sur la même vision. 
  2. De cette réunion découlent plusieurs réunions par ville pour s’informer des problèmes directement liés au terrain. 
  3. A partir de cette réunion, s’organisent des points par pays afin de s’assurer que tout le monde connaît les éventuels problèmes. 
  4. Enfin, il y a de nouveau une réunion globale avec les fonctions centrales, dirigée depuis le siège pour remonter l’information. 

En une matinée, tous les problèmes sont connus, les équipes par district ont ensuite la liberté de les résoudre et de demander du soutien au siège si besoin. 

Des pistes pour demain 

Gestion autonome du temps de travail – cas Novo Nordisk

Voici ce qui a été appliqué chez Novo Nordisk lors de la crise sanitaire et ce qui restera après :

Approche asynchrone du travail 

Le travaille asynchrone signifie que chaque partie prenante (personnes, équipes, clients,..) ajuste son temps de travail, de manière différée, sur un sujet de réflexion commun. Cette approche a été privilégiée par beaucoup d’organisations scandinaves. En effet, la possibilité de travailler sur des sujets “quand on veut y accorder du temps” apportent de la flexibilité.

L’organisation en tant que tel comme objet d’étude 

Les KPI de performance organisationnelle sont de plus en plus observées. Sans citer de nom, nous avons observé dans une organisation suédoise la présence d’une équipe de 6 personnes dont l’unique but est d’évaluer la performance de chacune des autres équipes de l’organisation et d’identifier des leviers pour les faire progresser. 

Notre vision coup de coeur de la “résilience”

Le CEO de Vinci Energies Nordics, un suédois, nous a confié sa vision de la résilience. Nous avons particulièrement apprécié sa définition car elle s’applique à ce que nous avons observé. Pour lui, la résilience, c’est :

La communication : c’est le “corner stone” pour s’adapter rapidement en temps de crise, peu importe les problèmes, peu importe les solutions, plus il y a de communication, plus l’information est accessible à tous et moins il y aura de spéculation en interne qui peut fragiliser la structure humaine de l’entreprise. 

L’ouverture d’esprit : Thales au Danemark va avoir un nouveau bureau qui rassemblera ses différentes entités. Le nouveau bureau n’accueillera que 60% des employés, il y aura donc un passage en “flex office”. Nous avons questionné des managers danois qui nous ont fait part de leur réticence à ce passage. L’ouverture d’esprit, la sortie de sa zone de confort est ici la clé de la résilience. 

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