Duo 3 (2023) – Bilan Allemagne

Article Bilan Allemagne

Le contexte 

Du 28 janvier au 12 février 2023 nous avons découvert l’Allemagne pour la deuxième étape de l’Odyssée Managériale. 

Pendant ce séjour court mais intense, nous avons eu l’occasion de rencontrer près d’une dizaine d’entreprises ainsi que 3 experts du management. Mais surtout, nous avons pu participer pendant 4 jours au salon commercial « Ambiante » de Francfort, qui est une immense foire où plus de 4500 entreprises venues de 92 pays du monde entier se sont rassemblées pour présenter leurs nouveautés pour 2023. Ce salon, présenté sur près de 330 000 mètres carrés, comprenait également une partie dédiée au futur du travail, où nous avons pu rencontrer un grand nombre de personnes qui tentaient de dessiner le portrait de l’entreprise de demain. Cela a représenté un moment fort de notre Odyssée. 

Pendant ces 2 semaines, nous nous sommes rendus dans les villes de Francfort et de Hambourg. Bien que ces villes nous aient apporté un point de vue extrêmement intéressant, nous savons que notre analyse de la culture allemande n’est pas exhaustive, et que les exemples que nous détaillons par la suite, ne reflètent pas l’ensemble des caractéristiques de notre voisin germanique. 

Bonne lecture ! 

1. En Allemagne, on avance ENSEMBLE, avec un grand PRAGMATISME

-> Pragmatisme 

Les entreprises que nous avons visitées, les personnes avec qui nous avons parlé et les observations que nous avons pu faire, nous ont menés à la conclusion suivante : les Allemands font preuve d’un grand pragmatisme.  

On se rend vite compte qu’avancer efficacement est quelque chose d’indispensable au travail. Frédéric Genton, experte du management interculturel franco-allemand, nous explique qu’en Allemagne, travail rime avec rigueur, productivité et résultat. 

Et cela se remarque directement dans la communication. Les Allemands usent d’une communication directe, frontale qui surprend plus d’un Français… Le franc parler est quelque chose d’apprécié en entreprise. Par ailleurs, c’est une différence culturelle bien connue par tous les coachs professionnels transfrontaliers qui peut rapidement poser problème dans une collaboration franco-allemande.

On nous explique également que cette rigueur s’illustre dans les horaires de travail. En effet, nos voisins commencent leur journée globalement plus tôt que nous, et n’ont pas la même conception de la pause. Une journée de travail commence rarement après 8h et il n’y a pas réellement de pause le midi. Les Allemands font bien souvent cette « pause » en mangeant un pic-nique (sandwich + crudités) devant leur ordinateur à leur poste de travail. À savoir qu’une pause de 30 minutes est obligatoire pour une personne qui travaille entre 6 et 9 heures par jour. Cela parait extrêmement court pour un Français, qui aime profiter de la pause du midi pour passer un moment convivial avec un repas partagé, assis à une table et idéalement avec un plat chaud.  On peut dire en quelque sorte que la vraie pause allemande est  la fin de journée. On nous explique aussi qu’en entreprise, les discussions de couloir, les pauses café à rallonge et les pauses cigarettes sont vues d’un mauvais œil. Pourquoi ? Car les Allemands y voient une perte de temps et d’efficacité. 

Ce pragmatisme allemand se ressent même dans le vocabulaire. On nous explique que des expressions un peu vagues comme « globalement », « sentir quelque chose » sont incompatibles avec la mentalité. En effet, les mots eux aussi doivent être précis et clairs.

La ponctualité fait partie du même registre, aussi bien pour commencer une réunion de travail à l’heure et respecter la durée prévue que pour arriver à une soirée privée à l’heure fixée et pas 20 minutes plus tard.

On nous explique aussi qu’en Allemagne, on n’a pas le même visage au travail et hors du travail :  il y a une réelle cassure à la fin de la journée. L’ambiance studieuse, rigoureuse et intense de la journée de travail prend fin lors du feierabend. C’est le moment, où tout le monde se retrouve après une journée de travail pour boire une bière. À ce moment-là, les masques tombent, et le collaborateur qui vous vouvoyait une heure plus tôt, vous tutoie et vous raconte des blagues. À partir de 17h, on peut se rendre compte que le collègue qu’on trouvait en journée un peu trop sérieux est en fait très décontracté et drôle. Les Allemands sont simplement très pragmatiques au travail et comme on le dit souvent Dienst ist Dienst, Schnaps ist Schnaps (le travail c’est le travail et le fun c’est le fun). Il y a ainsi une réelle délimitation entre la vie professionnelle et la vie personnelle. 

Autre point qui nous a marqués et qui a souvent été mentionné lors de nos entretiens c’est la façon dont l’expérience est valorisée en Allemagne. Là où les Français vont accorder une importance forte aux diplômes, les Allemands vont plutôt valoriser l’expérience et la motivation d’une personne. Anja Hiller, spécialiste du recrutement franco-allemand, nous explique qu’après chaque expérience (stage, CDD…), un Allemand se voit délivrer un certificat de la part de son supérieur qui va mettre en avant les compétences acquises par la personne. Il y est décrit les tâches réalisées, les responsabilités accordées et cette lettre va réellement être prise en considération pour l’emploi suivant. Il existe un vrai code à connaitre, que seuls les employeurs allemands comprennent, avec des mots spéciaux pour comprendre si la personne a bien travaillé ou pas et si sa personnalité était agréable ou compliquée. De plus, une personne réellement motivée pour un poste peut avoir la chance d’y prétendre, même s’il lui manque des compétences. On privilégie le savoir-être au savoir-faire, car un salarié motivé est un salarié qui travaillera efficacement et avec rigueur. 

-> Ensemble 

Ce pragmatisme et cette rigueur allemande ne sont pas du tout incompatibles avec l’aspect collectif ainsi qu’avec l’importance du travail collaboratif. Au contraire, ces deux aspects sont même conciliables. La juriste Sonja Locatelli nous décrit le management allemand comme un management collégial. Cela signifie qu’en Allemagne, tous les collaborateurs vont travailler ensemble pour atteindre un but commun (la réalisation du projet). C’est réel, on ne travaille pas pour se faire bien voir par son patron, on travaille pour faire avancer le projet. La recherche d’efficacité et d’excellence sont les facteurs de motivation pour une équipe. 

Attention toutefois à ne pas faire de confusion : travailler de manière collaborative ne veut pas dire qu’il n’y a plus de hiérarchie. 

En effet, la structure de l’organigramme est très similaire à ce qu’on peut connaître en France (structure pyramidale). La différence majeure c’est qu’en Allemagne les rapports sociaux entre les différents échelons de hiérarchie sont différents : si on n’est pas d’accord avec son chef, on lui dit, il n’est pas question d’avoir peur de lui, et il en tiendra rigueur. Tous les collaborateurs peuvent participer au processus de décision et le patron allemand n’est aucunement de droit divin. Ce sera lui qui prendra la décision, mais ne pourra pas prendre cette décision seul et devra concerter ses collègues ou ses subordonnés dans un premier temps. C’est en cela qu’ils avancent réellement ensemble. Concerter les autres est très important en Allemagne, c’est un point sensible : ils ne veulent pas d’une personne avec trop de pouvoir à cause du traumatisme de la 2nde Guerre mondiale. Les Allemands ne veulent plus d’un chef qui puisse tout contrôler, à l’image d’Hitler jusqu’en 1945.  

Et le rapport qu’ont les Allemands aux syndicats illustre bien cette nécessité de concerter.

Rappelons qu’en Allemagne, les syndicats font généralement preuve d’une grande unité d’action et n’agissent pas dans une logique politique ou idéologique, veillant à toujours rechercher des solutions qui concilient les intérêts des salariés et ceux de l’entreprise.

De même, il y a un niveau élevé de coopération entre la direction et les instances représentatives du personnel. Le dialogue social est fluide et tend en général à la recherche systématique d’un compromis, débouchant sur des solutions acceptables par toutes les parties prenantes.

2. Une contradiction entre tradition et innovation. 

Il y a des choses qui nous ont interpellés pendant ces deux semaines et qui nous ont conduits à écrire ce titre quelque peu provocateur. Aussi bien dans le monde du travail que dans la vie de tous les jours, la modernité allemande se trouve parfois rattrapée par le poids des habitudes et traditions. 

Anne-Chrystelle Bätz, présidente d’Emploi-Allemagne, nous explique que dans le monde du travail, on a d’un côté les entreprises du Mittelstand, qui forment l’épine dorsale de l’économie allemande et qui fonctionnent encore bien souvent de manière très traditionnelle. Ces entreprises forment un ensemble assez hétérogène composé d’entreprises familiales et de PME principalement. Elles sont caractérisées par leur paternalisme et par un certain archaïsme des relations professionnelles. 

Mais, d’un autre côté, on voit de plus en plus émerger des entreprises au caractère innovant et en rupture comme Fritz-Kola, que nous avons visité à Hambourg. L’entreprise montre fièrement sa culture d’entreprise jeune, branchée et dynamique. Il y a également de plus en plus de startups adeptes du freelance ou du remote work, qui viennent challenger les façons de travailler traditionnelles de l’Allemagne. Plus encore, l’Allemagne nous montre fièrement sa modernité en organisant des salons commerciaux de grande ampleur, dont certains accueillant des espaces liés au futur du travail, comme celui auquel nous avons participé à Francfort. 

Comment ne pas mentionner l’écologie ? En Allemagne, les énergies renouvelables représentent 40% de la production électrique du pays (c’est 20% en France), ce qui en fait un pays pionnier en termes d’énergie verte. En effet, il est quasi impossible de traverser l’Allemagne sans voir de gigantesques parcs éoliens. 

Mais à côté de ça, 45% de l’électricité allemande est produite par des énergies fossiles comme le charbon ou le gaz, ce qui, outre le problème écologique, complique le mix énergétique du pays du fait de la dépendance aux importations de gaz russe. Encore une contradiction.

Anja Hiller, nous a également parlé de quelque chose qui selon nous est important. En Allemagne, il y a beaucoup de femmes au foyer ou qui travaillent à temps partiel. À savoir que le temps partiel n’est pas comme en France où les femmes prennent souvent leur mercredi (donc travaillent à 80%). En Allemagne, le travail à temps partiel s’effectue avec une présence régulière tous les jours de la semaine (soit le matin soit l’après-midi, donc à 50%).  En fait, dans la mentalité allemande, c’est encore la femme qui doit rester à la maison s’occuper des enfants. Cela est confirmé par Sonja Locatelli qui nous dit qu’il est « mal vu pour une femme d’avoir des enfants et de travailler à plein temps », du moins jusqu’à ce que les enfants entrent à l’école. Cela est surement dû au fait que les structures d’accueil pour enfants ferment bien plus tôt qu’en France (pas plus tard que 16h) et il y a beaucoup moins d’assistantes maternelles. 

Cependant, on nous informe que la règle concernant les congés parentaux en Allemagne est très moderne : 14 mois sont à répartir entre le père et la mère. Cela est plutôt innovant car 14 mois de congés est bien supérieur à la moyenne européenne, et le père peut largement en disposer. Mais dans les faits c’est surtout la mère qui reste à la maison et le père ne prend presque jamais de congé paternité. La législation évolue donc plus rapidement que les habitudes.

À notre échelle de visiteur-observateur nous avons également ressenti cette contradiction entre modernité et ancienneté. En effet, il nous a souvent été impossible de payer en carte bancaire et nous avons appris que l’Allemagne était le pays européen où l’utilisation d’argent liquide était le plus répandue. La 4ème puissance mondiale aurait donc un certain retard sur le paiement numérique ? Oui. Michael Teubenbacher, partner et consultant en management agile, nous le confirme en nous livrant un exemple intéressant : il a travaillé longtemps en Chine et en Allemagne en même temps. Et ce, au moment de l’arrivée de la possibilité du paiement par téléphone (via Apple Pay ou autre), sans carte de crédit matérielle. En 2 ans, toute la Chine s’y est convertie (ou du moins les villes côtières). En Allemagne, il ne connait aujourd’hui personne de plus de 30 ans qui utilise ce moyen de paiement. Le temps d’adaptation au changement ne serait donc pas aussi rapide en Allemagne qu’en Chine !

Nous sommes très heureux d’avoir eu la chance de pouvoir étudier le management en Allemagne. C’est un pays très intéressant qui nous a livré beaucoup de richesses dans notre quête de réponses à la question « comment les crises d’aujourd’hui nourrissent-elles le management de demain ? ». 

Ce pays voisin est bien différent du nôtre et les différences culturelles entre les deux pays se ressentent vraiment. 

Bien que les différences culturelles soient indéniables, nous pensons qu’il est indispensable de préserver la solidité du couple franco-allemand. Que ce soit par des échanges de jeunes, des jumelages de villes, une coopération des milieux économiques, des projets médiatiques communs, une coopération dans le domaine des sciences et de la recherche… le couple franco-allemand est un élément central de la puissance de l’union européenne sur la scène internationale. 

ELODIE ET DIMITRI, L’ODYSSÉE MANAGÉRIALE 2023

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *