duo 1 (2021)-Bilan Californie

Où en sommes-nous ?

Dans ce contexte, rentrer en Californie n’est pas évident et représente pour nous une étape cruciale. Bien que nos PCR soient négatifs, nous quittons le Costa Rica nerveux. Mais comme souvent dans ce périple, les planètes s’alignent et nous nous envolons sous un ciel dégagé, profitant d’une vue plongeante sur les volcans du Nicaragua et le désert de Sonora. Notre opération costaricaine pour contourner le travel ban (restrictions d’entrée aux Etats-Unis depuis Schengen et le Brésil) a fonctionné. Nos passeports sont tamponnés, l’Odyssée est entrée ! 

En Californie, nous avons passé deux semaines à Los Angeles, une semaine a sillonné la côte et trois semaines sur San Francisco. C’est donc ici, que l’Odyssée aura passé le plus de temps. Nous profitons d’un temps ensoleillé sur l’intégralité du séjour, d’une campagne de vaccinations accélérée qui conduit à une ouverture prématurée des bars et restaurants et de quelques amis sur place. Paradoxalement, nous ne visiterons aucune organisation dans ses locaux, fermés pour leur très grande majorité. 

Ici, le télétravail régit les interactions et nous le sentons très bien accepté. Tous nous le diront, le grand avantage, c’est l’économie du “commute time” (temps de trajets). Rien de surprenant… Mais alors que nous pensions trouver ici des pratiques managériales avancées sur la question du travail à distance, et pourquoi pas une forme de pérennisation de ce dernier, nous nous étonnons (positivement) de l’envie de presque tous nos interlocuteurs de retourner sur site et de retrouver leurs collègues. Au paradis de la Tech, l’humain garde sa place et ça, c’est une bonne nouvelle !

Notre vol pour notre prochaine étape africaine est long, sur plusieurs jours, et débute un dimanche. Les laboratoires sont fermés le week-end, donc notre fenêtre de tir pour réaliser notre PCR se joue à l’heure près. L’attente stressante se fait ressentir mais nous commençons à nous y habituer… Résultats négatifs ! Aujourd’hui, nous sommes en Côte d’Ivoire, mais avant de vous en dire plus sur l’Afrique de l’Ouest, voici dans ce chapitre nos découvertes californiennes !

Quelles sont les différences culturelles observables ?

Sans surprise, nous retrouvons une culture du travail très forte, orientée résultat. Les journées de travail sont plus courtes qu’au Costa Rica et au Brésil, mais plus longues qu’en Suède. C’est d’ailleurs avec ce pays que nous observons le plus de points communs. La confiance est globalement accordée par défaut et la qualité de vie au travail occupe une place importante. Néanmoins, cette dernière est moins liée aux attaches extérieures (15 jours de vacances par an avec une moyenne de seulement 7 jours pris pour les profils Techs), mais plutôt aux multiples “benefits” qu’offrent, en interne, les entreprises (multiple séances de “well-being”, restaurants gratuits, équipements…) 

En contraste avec les Pays-Bas, il y a beaucoup de sujets tabous en entreprise, ici, en Californie. Lors de nos interviews, nos interlocuteurs nous confient ne jamais trop vouloir “froisser” leurs collègues, par peur de représailles, le marché de l’emploi étant très fluide… Le collaborateur américain va donc droit au but dans ses tâches mais prend ses précautions dans ses interactions. Cela s’illustre par une culture du feedback en sandwich ou oréo (d’abord un retour positif, puis un retour négatif constructif et pour finir, une touche positive). 

Enfin, nous étions curieux de découvrir la Silicon Valey, surtout en ce moment ! Nous avons eu la chance de rencontrer Luc Julia, créateur de Siri et vice-président de l’innovation chez Samsung. Ce dernier connaît bien la région, il est une figure de la Tech depuis 25 ans. 

“Ici règne la coopétition, l’héritage de la ruée vers l’or, mi-19e on collaborait pour dénicher la pépite d’or, maintenant on collabore pour créer une licorne”. 

C’est dans ce sens que nous comprenons que la pandémie n’a que freiné l’esprit de networking, à Palo Alto, le concept de terrasses à la parisienne s’est développé et plus que jamais l’échange d’informations, de techniques, sans jamais rentrer dans l’espionnage industriel se fait ressentir.

  1. L’importance du coaching interne

Nous avons rencontré, dans les collines de Santa Barbara, John McClure, senior executive coach chez Procore, développeur de logiciel de gestion de construction tout en un. Son organisation de 2000 employés compte trois coachs internes et a été finaliste du prestigieux ICF Prism Award de 2019 pour la meilleure “coaching culture” en entreprise. Leur chantier préféré ? Développer le courage d’avoir des discussions difficiles dans le rapport n/n+1. 

Rencontre de John McClure

Chez Procore, chaque département possède un HR Business Partner qui, selon les objectifs de l’organisation et de son département, va déterminer quels sont les besoins en soft skills de ses équipes. Ce dernier va ensuite solliciter l’équipe de John pour apporter un coaching ciblé. Chaque employé a ainsi le droit à 6 sessions de coaching par an. 

En plus de ces séances individuelles, John réalise des classes pour former tous les managers au coaching. L’idée n’est pas d’instaurer de nouvelles pratiques organisationnelles mais de favoriser un état d’esprit positif et des comportements propres à chaque équipe. John voit dans le coaching l’occasion de toujours s’améliorer en accompagnant les autres. “Après chaque séance, j’en découvre plus sur moi et je deviens plus pertinent pour la prochaine séance, cette logique doit donc aussi concerner l’ensemble des managers”. 

John est adepte du 360° feedback : chaque exécutif de département identifie son entourage professionnel que l’équipe de John interview pour réaliser une évaluation inversée (compétences managériales, pilotage d’activité, comportements, aptitudes). Son équipe utilise également DISC, un outil d’évaluation psychologique et la logique des 5 comportements d’une équipe performante théorisés par Patrick Lencioni pour structurer leurs séances. 

  1. Changer le système bancaire américain

Aux Etats-unis, les organisations à but non lucratif représentent 10% de l’économie. 

Beneficial State Foundation (BSF) est une organisation à but non lucratif, créée en 2008 par Tom Steyer, philanthrope américain. BSF compte 35 employés et détient une banque à but lucratif, Beneficial State Bank, qui compte 200 employés répartis dans 7 bureaux. La banque propose ses services auprès de clients particuliers, d’entreprises et également d’institutions (ONG, gouvernement…) et reverse l’intégralité de ses dividendes à Beneficial State Foundation, l’unique actionnaire, afin de servir une cause plus large : changer le secteur bancaire pour avoir un impact social et environnemental. 

La mission de BSF s’illustre par le programme phare de sa banque, “clean vehicle access program”, qui vise à équiper les californiens aux revenus les plus faibles de véhicules électriques et hybrides mais aussi par le rôle de “Think Tank” que la fondation joue auprès des différentes institutions et banques internationales. Nous avons rencontré Quinntavious, en charge du programme “equitable bank standards” dont l’objectif est de créer un ensemble d’outils et de standards qui définissent ce qu’est une “equitable bank” (s’assurer que les personnes qui ont le minimum puissent accéder aux services bancaires, tout en ayant un impact social et environnemental).

Propre à sa mission, nous retrouvons dans la fondation et la banque des pratiques managériales inspirantes. Tout d’abord, le ratio entre le salaire le plus élevé et le plus faible est de un pour trois, ce qui est rare dans le secteur bancaire. Sur le recrutement, les deux candidats sur trois pour lesquels une présentation finale est demandée mais qui n’ont pas d’offre d’embauche, reçoivent une compensation de 150$. Ils peuvent, soit les toucher en espèces, soit les reverser à une association de leur choix. Enfin, les collaborateurs ont deux heures de volontariat par trimestre obligatoire pour s’adonner à une cause qui leur tient à cœur. Durant le covid, ce temps est passé à 2h par mois. “Cela nous a permis d’aider les anciens, les personnes dans le besoin…” nous livre Quinntavious.

  1. Le “Staff Giving Program” de World Centric

World Centric, certifiée B-Corp depuis 2010, produit des emballages éco-responsables et compte 65 employés. Leur mission, “servir les personnes et la planète » s’inscrit dans un cadre plus large que leur produit puisque World Centric reverse 25% de ses bénéfices à plus de 150 projets sociaux et environnementaux. 

“Aujourd’hui nous voulons lutter contre la pollution globale du plastique, mais peut-être que demain notre mission évoluera. Nous sommes très sensibles à la vision opale de Frédéric Laloux, une raison d’être doit évoluer”  nous livre Janae, en charge des dons. 

Ce que l’on a aimé dans notre visite, c’est que chaque année, un budget de 2000$ est alloué à chaque collaborateur. Un groupe de volontaires se réunit et présente différents programmes aux collaborateurs. Ce sont ensuite à eux de faire leur choix pour orienter l’ensemble ou une partie de la somme dédiée selon leurs affinités.

“Ce programme a pour finalité de fédérer le groupe à travers un moment d’échange, responsabilisant, où chaque employé participe concrètement aux dons, par leur choix. Les projets proposés sont alignés avec les valeurs du groupe, il faut le voir comme du team building. Les 2000$ représentent peu pour l’entreprise, mais le but est surtout d’éduquer les employés sur les différents enjeux sociaux de notre pays.”

  1. Un coup de coeur : l’adhocratie

Lors de notre passage aux États-Unis, nous découvrons l’organisation CI&T, une entreprise de 4 000 employés distribuée à travers le monde. Cette entreprise de services qui accompagne ses clients sur leur stratégie digitale a été fondée au Brésil et travaille en adhocratie depuis 2017. 

Julian Birkinshaw, professeur à la London Business School, conceptualise l’adhocratie, en 2017, dans Fast / Forward: Make Your Company Fit for the Future, d’abord évoquée par Warren Bennis et Philip Slater en 1968. Ce modèle d’organisation met en place une structure fluide, adaptative à son environnement qui permet de mobiliser de nombreuses compétences transversales, notamment dans un contexte instable et complexe. La motivation intrinsèque des collaborateurs devient une priorité et l’apprentissage par l’action, l’autonomie et l’erreur prend le pas sur la prise de décision hiérarchique. 

Leonardo, membre exécutif, nous explique que dans l’entreprise, l’adhocratie se traduit par une organisation avec une trentaine de Growth Units (ou unités de croissance) qui remplace les traditionnelles Business Units (domaines d’activité stratégique). Nous trouvons que ce modèle de Growth Unit, orienté clients, est une double réponse pertinente au passage Startup / Scale Up et au contexte VUCA que nous connaissons. Pour plus de détails sur ce modèle, retrouvez ici, notre article focus. 

ROMAIN ET THIBAULT, L’ODYSSÉE MANAGÉRIALE 2021

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